[amazon_link asins=’2130731759′ template=’CSCP’ store=’cs066b-20′ marketplace=’CA’ link_id=’f8f598a6-1af3-11e8-af36-65d0463af25d’]Patrick Wotling, “Oui, l’homme fut un essai”. La philosophie de l’avenir selon Nietzsche, Paris, Presses universitaires de France, 2016; 309 pages. ISBN : 978-2130731757

Compte-rendu de Félix St-Germain, Université Laval

Depuis la parution de son ouvrage phare Nietzsche et le problème de la civilisation en 1995 (réédité en 2012), le commentateur et traducteur Patrick Wotling s’est imposé comme l’un des spécialistes les plus importants de la philosophie de Nietzsche. Dans le sillage initié par Éric Blondel, qui interpréta la pensée de Nietzsche à travers le prisme du thème englobant de la culture, Wotling insiste pour sa part sur la solidarité entre la culture (Cultur) et l’essai (Versuch) revendiqué par Nietzsche. “Oui, l’homme fut un essai” présente désormais dix études qui approfondissent cette solidarité en y ajoutant un troisième terme essentiel : la référence à l’avenir.

Jusqu’alors publiées dans diverses revues ou collectifs (à l’exception de l’inédit « La modernité comme contradiction physiologique et ses conséquences pour le philosophe »), ces études collaborent à montrer comment Nietzsche, à défaut d’élaborer une philosophie parmi d’autres, accorde enfin l’idée de philosophie avec son exigence, soit celle d’un questionnement radical et autonome (p. 27). L’articulation entre culture, essai et avenir traverse selon Wotling l’ensemble du corpus nietzschéen, des écrits posthumes de 1870-1873 aux derniers fragments de 1888, et constitue le fil conducteur de l’entreprise du philosophe. Malgré leur relative indépendance thématique, les études de ce livre peuvent se recueillir d’après nous en deux moments corollaires : celui du passage de la critique envers la philosophie à sa redétermination, puis celui de la tâche renouvelée du philosophe en référence à l’avenir, tous deux coordonnés par le texte d’ouverture intitulé « La culture comme problème. La redétermination nietzschéenne du questionnement philosophique ».

Il convient d’aborder cette étude inaugurale qui donne le ton et l’objectif aux suivantes. La méthode qu’engage l’auteur n’est pas nouvelle. Elle consiste à identifier la préoccupation dominante de la pensée de Nietzsche afin de régler ses moyens philosophiques sur la tâche de questionnement radical qu’elle s’est prescrite. Or cette préoccupation capitale ne correspond pour Wotling ni aux valeurs (G. Deleuze, W. A. Kaufmann), ni à la volonté de puissance ou à quelconque autre locution nietzschéenne « fondamentale » (M. Heidegger), mais uniquement à ce que Nietzsche désigne par le terme de culture, c’est-à-dire la dynamique d’une « liaison réciproque entre une série de valeurs et les interprétations qu’elles rendent possibles » (p. 65) où le corps produit des interprétations qui le modifient en retour (p. 67). En quoi l’assignation de la culture à ce rôle insigne d’origine et de centre organisateur de la pensée de Nietzsche serait-elle maintenant « la bonne » ? Wotling fournit trois arguments principaux. 1/ Le tout premier travail de Nietzsche est animé par l’intention programmatique de s’attaquer au problème de la culture. Or ce travail ne renvoie pas, comme il est souvent admis, à La Naissance de la tragédie, mais bien aux Inactuelles. Conformément aux indications de Nietzsche lui-même, les Inactuelles doivent en effet être antidatées pour être perçues comme le véritable site d’incubation de La Naissance d’où surgit la cible qu’il ne perdra ultérieurement jamais de vue : celle de l’incorporation des valeurs qui favorisent le « grand style » de la culture, en opposition à la barbarie (p. 62). 2/ En vertu de son privilège thématique, la centralisation de la notion de culture permet l’unification du travail de Nietzsche par-delà toute « évolution » ou « périodisation » lui étant arbitrairement imposée. 3/ Enfin, cette attribution conduit directement au déplacement nietzschéen de la pratique philosophique en direction d’une mission thérapeutique et réformatrice de la civilisation, acculée au mur du nihilisme.

Penser dans l’orbe de la culture signifie pour Nietzsche invalider le primat de la recherche de la vérité en philosophie et neutraliser ce faisant le découpage classique entre la théorie et la pratique, ou plus précisément reconduire tout le domaine du théorique à celui du pratique. Le retour originaire à l’idée de philosophie exercé par Nietzsche s’accomplit dans l’abandon de la perspective érudite de la logique propositionnelle au profit de l’adoption de la perspective de l’élevage (Züchtung) de l’humanité. Le philosophe est appelé à agir, non sur les conditions de possibilités théoriques, mais sur les conditions de vie : sur les valeurs. C’est en ce sens que Wotling peut dire que le penser du philosophe est un légiférer. L’originalité et le mérite de son interprétation s’attestent au terme de ces élucidations, lorsque le projet de Nietzsche s’établit comme prise en charge consciente de l’avenir de la culture selon l’initiative du philosophe-médecin-législateur. À cette triple figure revient la décision quant aux modalités d’incorporation des valeurs favorables au destin de l’humanité. Mais à ce stade, Nietzsche ne risque-t-il pas lui aussi d’instaurer un idéal sur fond d’arrières-monde, de présupposer de surcroît quelque chose comme une « nature humaine » et de fixer a priori son « bien » ? L’élevage global qu’il exhorte provient-il par ailleurs d’une volonté réactive, susceptible d’appartenir à son tour à la morale ascétique de ceux qui veulent « amender l’humanité » ? Au final, au nom de quoi Nietzsche s’aventure-t-il sur le terrain de la culture ? Autant de questions qui obtiendront des pistes de solution dans les développements subséquents du livre.

A. Le premier des deux moments susmentionnés explore la dimension de la critique et de la réforme du questionnement philosophique chez Nietzsche et comporte, d’après notre division, les deuxièmes, quatrièmes, cinquièmes, sixièmes, huitièmes et neuvièmes textes du livre. Wotling retrace le geste critique du philosophe pour montrer qu’à même la déconstruction nietzschéenne se construit organiquement sa pensée. S’enchaînent les critiques du préjugé atomiste, de l’esprit de sérieux, du manque de philologie des philosophes, du scepticisme et de la modernité. Ces points d’approche ne sont pas fortuits, ils adressent successivement des symptômes de la corruption de l’idée de philosophie qui, instituée avec Platon, fût aussitôt abandonnée au profit d’un dogmatisme aveugle à ses propres sources axiologiques (p. 139).

La strate inférieure de ces symptômes, exhumée dans « Notre croyance fondamentale. La construction du sujet et le préjugé atomiste », est la plus dissimulée et par conséquent la plus souveraine. L’auteur signale d’emblée que si la critique nietzschéenne du moi-sujet est l’une des plus commentées, les raisons profondes qui firent triompher historiquement la métaphysique de la subjectivité sont rarement abordées, même si Nietzsche fournit les éléments généalogiques pour les sonder. Comment l’illusion par excellence fut-elle érigée à titre de vérité par excellence sur deux millénaires ? Wotling démonte le dispositif de cette victoire et expose le mécanisme de rabattement de l’illusion par elle-même qui l’opère secrètement. La « poétique du sujet » (p. 92) décrit à la fois la fabrication du substrat et l’oubli du mouvement de cette fabrication. Nietzsche déloge au cœur de ce recouvrement l’antériorité génétique du besoin d’unité sur le besoin de réflexivité et conclut l’antériorité du fétichisme atomiste sur la constitution de la conscience. L’examen de Wotling révèle que la critique nietzschéenne ne s’insurge pas prioritairement contre l’idéalisme, ni contre les antinomies traditionnelles, mais contre l’atomisme (p. 95). En effet, les racines de l’atomisme s’avèrent plus profondes que celles du dualisme, celles-ci présupposant celles-là, car le processus d’individuation comme type d’erreur opératoire est préalable au dénombrement du multiple et à la partition du monde en consécutions de causes et d’événements (p. 98)

S’acheminant vers la redétermination de la tâche du philosophe, l’exploration critique des strates supérieures de la corruption de la philosophie sape ensuite le fond ascétique supportant l’idée traditionnelle de la connaissance. Deux textes abordent la critique et la refonte nietzschéennes du savoir. Dans « Peut-être le rire a-t-il encore un avenir ! », Wotling attire l’attention sur la dénonciation nietzschéenne de la condamnation du rire, de la légèreté et de la sensibilité enjointe par le sérieux typique des philosophes, cachant une conception malade de la connaissance. On ne saurait sous-déterminer la fonction philosophique du rire, qui « accomplit la tâche de démasquage et de dénonciation des compréhensions illégitimes de la philosophie. » (p.143) À l’école du gai savoir, Nietzsche substitue la problématique de l’objectivité par celle de la hiérarchie (p. 146). Contre la « connaissance pour la connaissance » tournant à vide est affirmé le savoir au service de la culture. « La réalité comme jeu de commandement et d’obéissance selon Nietzsche » précise cette idée essentielle de hiérarchie en développant la dynamique agonique et tragique qui définit la réalité comme communication interpulsionnelle où se joue le sort de l’humanité et de la vie en général. L’intérêt majeur de cette étude apparaît avec l’intégration organique du critère de la hiérarchie dans la pensée métapolitique de Nietzsche. Wotling montre que le commandement et l’obéissance n’expriment pas une métaphore politique que Nietzsche appliquerait arbitrairement au réel, mais tout à fait l’inverse : la politique est un cas particulier de ce jeu, dont la texture du réel est tissée (p. 175). Le critère de la hiérarchie prévaut dans toutes activités vitales, lesquelles sont constamment aiguillées par les jugements du corps face à la résistance, la souffrance et le sentiment de puissance. « La théorie des fautes de lecture… » examine conséquemment la méthode que Nietzsche forme suite à l’effondrement de l’objectivité. Dans un monde où aucun sens ne préexiste à l’interprétation (p. 193), où le faux règne et où il n’y a pas de texte original isolé, le « bien lire » (ou la probité) incombant au philosophe est une vertu philologique qui protège le texte de la réalité de l’interprétation falsificatrice. Cette vertu dévoile le texte oblitéré par « l’interprétation » (au sens péjoratif), ou pire : par le refus d’affronter le texte.

Les critiques nietzschéennes du scepticisme et de la modernité achèvent le moment du passage de la critique à la redétermination de la philosophie. Dans « Cette espèce nouvelle de scepticisme », Wotling soulève la question de la pertinence et du statut du scepticisme dans la philosophie de Nietzsche, compte tenu la disqualification préalable de la vérité objective. Au scepticisme paralysant du dernier homme, Nietzsche riposte un « ultime scepticisme », qui ne préserve pas la vérité de ses expérimentations (Versuche). La neuvième étude enregistre les données critiques précédentes et appose le diagnostic et le pronostic requis par la situation. Dans « La modernité comme contradiction physiologique et ses conséquences pour le philosophe », l’auteur défend une interprétation de la critique nietzschéenne de la modernité fort nuancée. Loin de verser dans le fantasme aristocratique et réactionnaire qu’on peut lui prêter à première vue, Nietzsche envisage la modernité comme un privilège inouï pour le philosophe et pour la culture. En fait, c’est précisément parce que la catastrophe moderne culmine dans la barbarie, l’indifférence hiérarchique et l’incapacité de sélectionner que l’heure est propice à l’intervention des philosophes. La physiologie décalibrée du moderne, résultat de vingt-cinq siècles de platonisme et de christianisme, s’atteste comme « brouillage axiologique » (p. 234), tension entre des régimes de valeurs incompatibles. Une telle contradiction n’a rien à voir avec le principe logique du même nom : elle désigne une dégénérescence pulsionnelle, un état instinctuel bariolé consignant l’homme à la servilité grégaire du relativisme. L’homme ne sait pas choisir, a fortiori prendre en main son destin, puisqu’il n’est pas maître de ses évaluations. Le nœud du problème, pour Wotling, est de nouveau le souci de la hiérarchie. Trancher ce nœud revient à trancher axiologiquement, où choisir veut dire vouloir et où l’objet du vouloir est pour Nietzsche le surhumain. L’attestation nietzschéenne de la contradiction physiologique du moderne se solde selon Wotling dans la coïncidence de la critique et de l’appréciation à l’égard de la modernité (p. 259). Le Nietzsche qu’il peint reprend en quelque sorte l’adage hölderlinien suivant lequel « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ». L’optimisme de surface reflété par cette vision couvre en revanche le courage du pessimisme dionysiaque dans la tâche soutenue de la longue durée, qui fait l’objet de la seconde série d’études.

B. Le second moment de la division que nous proposons, orienté par la référence à l’avenir, est composé des troisièmes, septièmes et dixièmes textes de l’ouvrage. « Que signifie penser contre son temps ? » amorce cette série d’analyses. Wotling décèle la tournure positive de l’inactualité que Nietzsche attribue au philosophe authentique dès le début de sa production. L’exil temporel que l’inactuel s’inflige n’a nulle autre fin que l’épanouissement de la culture actuelle ; l’inactualité n’est pas lutte inconditionnelle contre le présent, mais vigilance à ne pas s’enliser dans celui-ci (p. 119). Le contenu de la notion d’avenir s’éclaircit alors en tant que transformation de l’humanité.

La convergence des déterminations de l’avènement du surhomme comme fin et de la hiérarchie comme critère libère ensuite la nécessité de comparer les divers types de cultures afin d’expérimenter de manière avisée sur l’homme. « La philologie au service de l’avenir ? » présente une illustration de cette « cartographie des cultures ». En reprenant là où l’examen de la vertu philologique a été laissé au sixième texte, Wotling montre que si la philologie est pour Nietzsche une métaphore pour lire le texte du réel, elle demeure également une discipline et surtout un puissant vecteur d’éducation. Lorsque Nietzsche déplore durant ses années universitaires l’étiolement de la philologie, il pense avant tout à sa fonction éducative. La cartographie de l’Antiquité gréco-romaine à laquelle devraient se livrer les philologues pour proposer des modèles de culture à la jeunesse est dégradée en technique idéologique dépourvue de fil conducteur. « Le philologue est totalement étranger à son objet » (p. 206) puisque, paradoxalement, il se le rend familier en modernisant la culture de l’Antiquité. On ne peut promettre un avenir à l’humanité sans d’abord apprécier dans « le laboratoire de l’histoire » les valeurs et les instincts incorporés par les cultures du passé. Wotling donne un indice quant à la disposition concrète que revêt l’approche philologique « vertueuse » avec laquelle Nietzsche tente de réformer l’université et donc la culture. Selon lui, Nietzsche procédait déjà à la cartographie des cultures lorsqu’il effectuait la comparaison de l’alexandrinisme, de l’hellénisme et du bouddhisme dans La naissance de la tragédie (p. 42).

Arrivé à l’ultime étude de l’ouvrage, deux raisons en faveur de l’avenir comme tâche du philosophe se sont consolidées. D’une part, Nietzsche voit poindre à son époque la menace du nihilisme que nous nous devons d’expliquer et d’affronter et, d’autre part, il observe que les philosophes ont toujours légiféré à leur insu. Dans « Oui, l’homme fut un essai », Wotling analyse Ainsi parlait Zarathoustra du point de vue du surhomme fixé comme but de l’élevage et l’élevage comme but du philosophe. En tant qu’éleveur, Zarathoustra s’avance pour Wotling en éducateur. Il rassemble en lui tous les personnages créés par Nietzsche : le médecin, le législateur, le philologue (l’éducateur), bref : le philosophe. Après avoir relevé huit points principaux qui orbitent autour de la notion centrale de surhomme, Wotling formule puis déploie trois énigmes. Ces huit points sont : l’amour pour l’homme, le combat contre le dégoût de l’homme, le surhomme en tant qu’objet du vouloir, l’affirmation du primat de la création, la référence constante à l’avenir, la lutte contre la dégénérescence, l’absence de raison dans le développement de l’humanité et la référence à la longue durée. Les trois énigmes qui surgissent concernent le vouloir, le hasard et la durée. J’attirerai pour finir l’attention aux énigmes du vouloir et du « géant hasard », car le traitement qu’en fait l’auteur constitue la plus grande innovation par rapport à toutes les autres études du livre.

Comment l’expression « Vouloir le surhumain » ne voudrait-elle pas dire vouloir sur le mode subjectif quelque chose sur le mode objectif, qui plus est sur le mode de l’idéalité ? D’une part, Wotling fait remarquer une mutation sémantique du terme « vouloir », qui désigne pour Zarathoustra « une conversion affective, et non pas la visée d’un objet déterminé sur un mode purement intellectuel » (p. 277). D’autre part, il résout l’apparent contresens de la volonté en renforçant le lien intime entre le vouloir, au sens qu’il revêt une fois la subjectivité démontée, et l’approbation nietzschéenne du tragique de la réalité. Vouloir le surhomme signifie aussi vouloir le dernier homme, par exemple. La contradiction serait plutôt consommée si, à l’inverse, Nietzsche entretenait une sorte de ressentiment contre le ressentiment, un vouloir réactif. Mais de la résolution de cette énigme s’élève un autre problème : comment, avec l’approbation intégrale du réel (Amor fati) tenant d’une conversion affective, l’avènement effectif du surhomme peut-il se réaliser « dans le monde » ? L’énigme du hasard vise à répondre à cette question et se formule à la suite de la reconnaissance par Nietzsche de l’absence de raison dans le développement de l’humanité. Autrement dit, à chaque fois qu’un surhomme ou un type surhumain est apparu dans l’histoire, cet événement n’était tributaire selon Nietzsche que d’un « heureux hasard ». Wotling interprète le Zarahoustra comme un texte programmatique (p. 289) dont l’entreprise (ou la volonté) se traduit alors en initiative. Le Nietzsche qui découle de cette interprétation est un penseur métapolitique qui met en marche l’avenir de l’humanité contre la « tyrannie du hasard », « l’irrationalité de l’histoire humaine » (p. 282) et l’absurdité aveugle qui faisait autrefois de l’homme un curieux « essai ».

Toutes les études de l’ouvrage aboutissent dans la démonstration qu’une fois débarrassé de la vérité et de l’objectivité, le philosophe est mûr pour engager l’élevage de l’humanité par-delà ses déterminations traditionnelles et son errance. Or le combat nietzschéen contre le hasard a de quoi surprendre le lecteur. La mutation du créateur en législateur (p. 292) semble faire de Nietzsche un philosophe qui cherche après tout à corriger le tragique de l’existence, ou à tout le moins à l’endiguer dans une voie « voulue ». Le hasard, l’imprévu, le chaos et l’absurdité ne sont-ils pas au cœur de la perspective tragique ? Reste à savoir quelle est la nature de la prise en charge du destin de l’humanité dont il s’agit, tout en comprenant que la lutte contre le hasard ne signifie pas sa négation, mais précisément sa plus grande approbation.

Pour les raisons soulevées au cours de ce compte rendu, le dernier ouvrage de Patrick Wotling s’avère indispensable pour les lecteurs de Nietzsche. Le souci scrupuleux du détail comme de l’ensemble qui constitue la marque de l’interprétation de l’auteur restitue l’originalité et la cohérence de la pensée de Nietzsche, et aussi son danger ; un Nietzsche à la hauteur de ses exigences philosophiques, « plus fort, plus méchant, plus profond ».